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Moderne's talking

La semaine est terminée



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L'incinérateur de cadavres (Spalovac mrtvol)
de Juraj Herz (1968)
Film longtemps censuré par le gouvernement tchèque, voilà "L'incinérateur de cadavres" sorti des fonds de cartons et réédité en DVD par CinéMalta, pour notre plus grand plaisir. Avant ça, il y a eu Arte pour diffuser ce petit bijou d'intelligence. De quoi nous faire tomber amoureux tout de suite de tout cet obscur cinéma d'Europe de l'Est (bon, après, on voit son premier Miklós Jancsó, et tout de suite on est bel et bien refroidi...).
"L'incinérateur de cadavres" saisit et cristallise ce moment où tout bascule; le nazisme mène sa guerre idéologique et militaire et il est temps pour les tchécoslovaques de choisir leur camp. Notre incinérateur se veut un bon père de famille (indice 1), fier de sa "céleste" épouse et élevant ses enfants dans la normalité la plus rangée. Il voit régulièrement et depuis des années la même prostituée. Il met un point un point d'honneur à ce que ses morts soient correctement incinérés (indice 2). Il aime la poésie et se veut lui même poète.
Il a donc tous les atouts pour embrasser la cause nazie qui lui tend obstinément les bras; et voici notre homme sombrant dans le délire.
Photo admirable, usage d'un grand angle saisissant, bande son bercée par la voix susurrante de Kopfrkingl et salée de ses folles élucubrations, on a là un chef d'oeuvre d'humour noir dont la qualité plastique ne fait que réévaluer sa côte aux enchères du cinéphile. Adjugé, Vendu!
Baby Jane et Nasr Eddin


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Arnaques, crimes et botanique (Lock, Stock and two smoking barrels)
de Guy Ritchie (1998)
Premier film de deux potes qui remettent au goût du jour le polar à l’anglaise mais aussi fantastique film choral à l’humour « so british » (2 genres que j’apprécie particulièrement, alors quand ils sont réunis…) Arnaques, crimes et botanique raconte la folle épopée de 4 pieds nickelés pris dans un terrible engrenage ! Suite à une partie de poker truquée (Q1) nos quatre jeunes londoniens se retrouvent avec une dette d’un demi million de £ivres à rembourser en une semaine. S’en suivent des situations improbables à l’humour noir décapant.
Le casting est tout aussi improbable : un vieux chanteur qui n’a rien perdu de son charme depuis Dune, un ancien footballeur connu pour son « agressivité »…
Guy Ritchie et Matthew Vaughn ont remis ça avec succès dans Snatch mais n’ont malheureusement pas su se retrouver pour Layer Cake. Dommage…
Zézette


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The hole (Dong)
de Tsai Ming-Liang (1998)
Dans le rôle principal de "The Hole", l'obsession récurrente des films de Tsai Ming Liang, l'eau. Elle vient ici encore perturber et envahir la vie de personnages désincarnés en semant parmi eux un virus d'apocalypse.
Dans un immeuble, deux locataires : une jeune femme au rez-de-chaussée et un jeune homme au premier. Tous deux sont seuls. Entre eux un trou, celui qui relie le plafond de la chambre de l'une avec le sol du séjour de l'autre (question et indice 2). Entre eux des chansons et des danses, fantasmes chatoyants qui viennent colorer cette vie humide et désespérée. Un trou, et Grace Chang (indice 1) pour réunir deux êtres et retrouver un sens à la vie.
Baby Jane


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Kiss Kiss Bang Bang
de Shane Black (2005)
Shane Black’s Kiss Kiss Bang Bang ou une nouvelle preuve du talent de dialoguiste du bonhomme! Parce que ce qu’il y a de plus important dans ce titre c’est bien « Shane Black ».
Petit échantillon qui parle de lui-même, juste pour le plaisir :
Kiss Kiss Bang Bang :
I swear to God, it's like somebody took America by the East Coast, and shook it, and all the normal girls managed to hang on.

Last action hero :
Danny Madigan: ...I though I was going to die.
Jack Slater: Well I'm sorry to disappoint you but you're gonna live to enjoy all the glorious fruits life has got to offer - acne, shaving, premature ejaculation... and your first divorce.

Le dernier samaritain :
Officer: Good morning gentlemen. Is there a problem?
Milo: Yes, officer. As a matter of fact there is a problem. Apparently there are too many bullets in this gun. [uses the gun to kill the officer]

Au revoir à jamais :
Charlie: Easy, sport. Got myself out of Beirut once, I think I can get out of New Jersey.
Mitch Henessey: Yeah, well don't be so sure. Others have tried and failed. The entire population, in fact.

L’arme fatale :
Martin Riggs: You don't trust me at all, do you?
Roger Murtaugh: Well, I'll tell you what. You make it through tomorrow without killing anybody, especially me, or yourself, then I'll start trusting you.
Martin Riggs: Fair enough.

Il ne faut cependant pas oublier de saluer la performance des acteurs, Robert Downey Junior notamment qui se voit enfin attribuer un rôle à la hauteur de son talent.
Zézette


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Sur la trace du serpent (Injeong sajeong bol geot eobtda)
de Myung-se Lee (1999)
Balancé sans crier gare, sur les écrans français, en 1999, Sur la Trace du Serpent fut un véritable choc.
D’une part, parce qu’il fut l’un, si ce n’est LE premier, des polars coréens, à être distribué en France, dans un très large réseau de salles ; et, d’autre part, pour ses qualités intrinsèques évidentes.
Manifeste esthétique, multipliant les audaces visuelles, graphiques et narratives (soit 2 heures de jubilation totale), Sur la Trace du Serpent dépeint les enquêtes d’une poignée de flics, tantôt bourrus et stupides (comme chez Friedkin), tantôt nonchalants et mélancoliques (comme chez Kitano), et leur vie dans un petit commissariat miteux.
Dans l’un de ses entretiens, le prolifique metteur en scène Raoul Ruiz confie qu’il considère chaque plan d’un film comme un film à part entière.
Lee Myung-See semble être en accord total avec lui, tant il (dés)organise le sien comme un puzzle de séquences contradictoires, de courts métrages décousus, ou de clips formellement audacieux mais toujours sans rapport entre eux.
On assiste, en quelque sorte, au mix live d’un DJ barge.
Mais, là où des types comme Oliver Stone, Michael Bay ou encore Sanjay Gupta ne font qu’ajouter de la confusion à leur propos tendancieux, Lee Myung-See, lui, crée, malaxe, et triture, afin que chaque spectateur participe un peu plus, et puisse ressentir un peu mieux les émotions des personnages (dans la droite ligne d’un Tony Scott ou d’un Wong Kar-Waï).
Tout à la fois, violent, beau, hystérique et bête, Sur la Trace du Serpent restera une date dans le cinéma coréen ET international.
Comme si, tout d’un coup, après la rétrocession de Hong-Kong à la Chine, «tout», en matière de films d’action, se passait dorénavant en Corée !
En tout cas, voilà une magistrale proposition de polar «à la coréenne» que bon nombre des ses compatriotes n’auront de cesse de piller.
C’est d’ailleurs dans ce film-ci, que se trouvent les germes de Memories of Murder (petit polar campagnard, surestimé par la critique française).
Les DVD Zone 2, disponibles en Europe, sont malheureusement chiches en bonus.
Le DVD français permet seulement de passer un petit quart d’heure en compagnie de l’interprète principal du film, au demeurant très attachant et fort sympathique. C’est peu pour un film si important.
Torrente


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A la verticale de l'été (Mua he chieu thang dung)
de Ann Hung Tran (2000)
Film d'une beauté glacée, on est loin des outrances et de la craditude de "Cyclo". Tran Anh Hung renoue avec ses anciennes amours ("L'odeur de la papaye verte") pour signer un film tout en délicatesse. On aimerait rejoindre ces soeurs dans la moiteur viêtnamienne, on aimerait vivre à ce rythme pour se réveiller dans la lumière matinale en écoutant du Lou Reed (indice 1).
Mais derrière cette beauté qui peut paraitre parfois un peu naïve, il y a quand même la vie. Plus belle (mmm...), plus ironique, avec ses blessures et ses complications.
Au total, "A la verticale de l'été" est un film beau et sensible; juste aussi, sur des relations qu'on entretient et dans lesquelles on s'enferme parfois.
Baby Jane


7



Playtime
de Jacques Tati (2000)
Nicolas, euh... Monsieur Hulot est de retour. et c'est pas le tout, car Monsieur monte à la Capitale! Il y découvre l'high tech version sixties et les inventeurs géniaux tout droit sortis du concours Lépine.
Voilà un monde bien curieux où personne ne se comprend bien (indice 1), parlant chacun avec son propres langage d'onomatopées. Et Tati de glisser là-dessus, de nous créer un bordel organisé comme pas deux, de s'amuser à détruire des merveilles de technologie, d'architecture aseptisée, de vie millimétrée.
Pas un plan n'échappe à la logique inébranlable de Tati : son, structure des plans, travail de la couleur, chaque seconde est un nouveau clin d'oeil, une nouvelle invention.
Peu de cinéastes français de l'époque ont osé misé la carte de l'esthétisme; et c'est là que Tati se fait une très belle place : objet incontournable et magistral, "Playtime", avec Tati, explosent les carcans parfois étriqués du cinéma hexagonal et s'offrent un film international, intergénérationnel et, j'ose le dire, u-ni-ver-sel.
A ne manquer pour rien au monde enfin, l'édition-double-DVD-remasterisé-ultra-collector-série-limitée des studios Wild Side qui nous présente le film et les menus du DVD grâce à une speakerine tordante et haute en couleurs!
Baby Jane


8

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* format original : 1.33:1
Punch and Judy (Rakvickarna)
de Jan Svankmajer (1966)
Faute d'avoir pu présenter "Virile game" du même Svankmajer (snif!), je me suis rabattu sur Punch and Judy, jeu de massacre à la "Itchy & Scratchy", ou plutôt à la "Neighbourgs" de Norman Mac Laren (visible via Google Video).
"Punch et Judy" (indice 1) est un duo de marionnettes (indice 2) ultra célèbre en Grande Bretagne. Leur histoire est assez sanglante puisque Punch étrangle son bébé et sa femme Judy... Gasp!
Chez Svankmajer pourtant, le drame s'allie toujours à l'absurde et au burlesque. Et question absurdité, on peut dire qu'on est servi dans ce petit bijou : que ce soit des rapports humains, de la jalousie, de la violence ou des religions... l'auteur dresse un constat assez pessimiste de la nature humaine.
Jan Svankmajer, pour ceux qui ne le connaissent pas encore, est absolument à découvrir : surréaliste Tchèque, c'est un immense génie de l'animation à qui l'on doit quantité de chef d'oeuvres. ("Obscurité, lumière, obscurité" ; "Possibilités du dialogue", etc... )
Nasr Eddin


9



Epouses et concubines (Da hong deng long gao gao gua)
de Yimou Zhang (1991)
En 1920 en Chine, une jeune femme (l'epoustouflante Gong Li, Indice 2) entre dans l'immense maison d'un riche local pour devenir sa 4eme epouse. Vie carcerale. Concurrence entre les femmes pour obtenir les faveurs du maitre, dont on ne voit jamais le visage de face. On place une lanterne rouge (Indice 1 et reference au titre anglais "Raise the Red Lantern") devant les appartements de celle qui est selectionnee pour passer la nuit avec lui. L'une d'entre elles, ancienne chanteuse venue du monde moderne le trompe (Question), et ca finit tres mal pour elle. Gong Li ne se remet pas du choc emotionnel. Contrairement au "Maßnahmen gegen die Gewalt" de Brecht, la dictature sort vainqueur de cette non-lutte silencieuse.

En 1920, la derniere dynastie imperiale chinoise a ete ecartee du pouvoir depuis 9 ans et la Chine, partiellement gouvernee par la jeune Republique est en grande partie sous l'emprise de chefs de guerre locaux. Pour un temps encore, les traditions moyennageuses resteront tenaces. Notons que le debut de "Adieu ma concubine" (propose en S4), egalement avec Gong Li se situait en 1924 et presentait aussi des vestiges dynastiques. La demeure dans laquelle le film a ete tournee, a Pingyao, appartenait autrefois a une riche famille de marchands. Les batiments contiennent 313 pieces sur pres de 4000 metres carres. La vieille vile de Pingyao, quant a elle, est inscrite au patrimoine de l'humanite.
Mister Ke


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Scènes de la vie conjugale (Scener ur ett aktenskap)
de Ingmar Bergman (1973)
2H40 de prise de tête avec Erland Josephson et Liv Ullmann (indice 2), ça vous dit? Pour certains, l'affiche ne semblera pas très sexie, mais, à coup sûr, ce film vous a sur la durée.
Pour ma part, je me suis trouvée enfermée dans cette histoire que les personnages n'arrivent pas à clore eux-mêmes. Je suis passée par tous les états et toutes les couleurs : Emotion. Attendrissement. Colère. Rancoeur. Force et faiblesse. Violence. Crise(s) de Nerfs. Au final, c'est la douce chanson de Jeanne Moreau dans "Jules et Jim" qui m'a trotté dans la tête :
Quand on s'est connus,
Quand on s'est reconnus,
Pourquoi se perdre de vue,
Se reperdre de vue ?
Quand on s'est retrouvés,
Quand on s'est réchauffés,
Pourquoi se séparer ?
Voilà deux êtres indissolublement liés, s'aimant toujours et jamais; toujours différemment. Entre la scène classique dite "du verre d'eau" (indice 1, ou c'est Bibi Andersson qui fait une scène à son compagnon) et les scènes de rupture, de retrouvailles, de souvenirs (en question, Liv Ullmann petite, si-si!) et d'écharpement en bonnes et dues formes (indice 2), la Baby Jane a pris un sacré coup de vieux!
Encore un essai transformé pour le vieil Ingmar. Merci Monsieur Bergman!
Baby Jane


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Medea
de Lars von Trier (1988)
Le mythe de Médée scénarisé par Carl Th. Dreyer et mis en scène par Lars von Trier a de quoi attirer l'attention et on est pas déçu : magnifiquement mis en scène, truffé de plans fabuleux. C'est le Lars Von Trier encore imprégné de Tarkovski et de Dreyer, c'est aussi son film le moins roublard (scénario de Dreyer oblige)...
Pas question pourtant de le taxer de film de commande : toutes les questions du réalisateur sont présentes ici : tel un chercheur, il érige une oeuvre qui peut se vanter d'observer une cohérence rare...
"Médéa" c'est une nouvelle fable sur la femme dans tout ses états... avant "Breaking the waves", "Les Idiots", "Dogville", "Dancer in the dark", "Manderlay"...
Médée est cette femme qui par amour, sacrifie toute sa famille... acte contre nature s'il en est!
"Médéa" constitue donc un autre grand portrait de femme, ici terrible et cruel...
La femme est-elle l'avenir de l'Homme? ... elle est en tout cas son plus grand sujet.
Ainsi, c'est aussi dans cet ensemble qu'il faut embrasser les films de Lars von Trier : chaque film y gagne une dimension qu'on avait pas perçu au premier abord. Lars von Trier, en dépit de tout ce que l'on peut en dire, est un auteur. A partir de là, tous les jugements sont vains, tout se justifie.
Nasr Eddin


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Contes immoraux
de Walerian Borowczyk (1974)
Le film est un peu à l'image de la question, semblable aux gravures du temps jadis que les gens lettrés cachaient, pudibonds. C'est un film sur le sexe, un film précieux à l'ambiance électrique.
Cà n'est pas non plus un livre d'images puisque ce film reste un vrai réquisitoire sur les abus de pouvoir : que ce soit d'un cousin influent, d'un noble ou d'un pape!!
Mais le sujet majeur reste quand même le sexe féminin, le corps féminin. S'il a toujours été un souci artistique majeur en sculpture, en peinture, en littérature... le cinéma n'a que rarement pris la mesure du sujet, coincé dans un dédale de contraintes. Quelque chose manquait au cinéma, "Contes immoraux" EST cette pièce manquante, cet objet d'art nécessaire.
Nasr Eddin


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Tire encore, si tu peux ! (Se sei vivo spara)
de Giulio Questi (1967)
Sur ce coup-ci, je vais laisser la plume à un certain Stéphane Derderian, dont la critique de Tire encore, si tu peux ! dans le Hors-Série de Mad Movies intitulé "l'âge d'or du cinéma de genre italien" est un petit bijou, et accessoirement, l'une des plus passionantes et complètes lue depuis celles de Nicolas Saada, en son temps.
"(...) Coupures dans le monde entier, sortie de deux versions différentes en Italie, monopolisation de l'ensemble de la critique cinématographique de l'époque, faillite du laboratoire où était stocké le matériel (...) Tire encore si tu peux ! connut un parcours aussi incroyable que celui de son géniteur (Giulio Questi).
La liste est longue, mais à peu près exhaustive, des faits brutaux qui émaillent cette étrange histoire de vengeance.
Elle va de la vision d'un terrible charnier humain, à un Indien scalpé en gros plan, (...) un viol homosexuel suivi d'un suicide, la recherche de balles en or dans le corps d'un homme encore vivant, la violation de sépultures, des tortures diverses, (...) des bandits massacrés qu'on pend par les pieds, etc.
Toutes les horreurs énoncées ci-dessus pourraient prêter à sourire si elles se référaient au gore rigolard de Herschell Gordon Lewis. Pourtant, le travail de Giulio Questi n'a pas été d'aligner consciencieusement tout ce que son esprit délirant lui suggérait, mais de dresser un terrifiant portrait de la méchanceté humaine.
C'est grâce à la rigueur documentaire qu'il tient de ses années de travail antérieures que Giulio Questi oriente dès le départ son film vers l'étude de caractère, puis s'applique à décrire très précisément un certain nombre de faits qui culmineront sous la forme de séquences inconcevables pour l'époque. Mais ici, le procédé inverse le processus habituel d'adhésion et cravache les bas instincts du spectateur au lieu de les flatter.
Au delà de cette volonté de désacraliser la violence, Tire encore si tu peux ! s'impose de lui-même comme le stade ultime du genre. Un genre décelable par ses anti-héros meurtris dans leurs chairs, mais aussi grâce à la combinaison de deux procédés techniques (le fameux Technicolor/Techniscope) ou à sa horde de Mexicains armés jusqu'aux dents et ses despotes qui ont la main-mise sur un village.
Toutes ses composantes, techniques et artistiques, sont à chaque fois détournées. Ainsi, le chef mexicain devient ici un riche individu organisant les repas orgiaques dans son domaine pour les hommes à sa botte. Accoutrés comme des artistes de cirque (habits noirs enrichis de garnitures argentées), ceux-ci sont la représentation fantoche des Chemises noires de Mussolini et sont capables des pires atrocités. Quant à l'archétype du village "fantôme" qui vit sous la domination d'un tyran, il acquiert dans ce contexte une nouvelle fonction. Il est dominé par deux hommes cupides, et ses habitants, qui ne vivent plus dans la crainte de ses dirigeants, massacrent au grand jour ceux qui justement pourraient lui porter préjudice ou qui lui sont étrangers.
Dernier point, et peut-être le plus important, l'anti-héros est cette fois un métisse porteur d'une mission. Or, il faillit en partie à celle-ci et reste hanté pendant tout le métrage par son passé. Ne ratant aucune occasion d'aller au-delà des simples conventions, la caméra de Giulio Questi enregistre le malaise de Thomas Milian de manière constante et réussit d'ailleurs à nous communiquer ce sentiment. De là cette fascination continuelle qui perdure au-delà du générique final.
L'originalité du travail de Giulio Questi a été de combiner à partir d'une simple trame un réseau de situations extrêmes, d'idées et de thèmes qu'il semblait difficile de faire cohabiter sur un même axe.
Quelque part entre le regard du documentariste, l'oeil du réalisateur et les souvenirs de l'ancien résistant est né un western qui a été vidé de toute sa substance première sans que ne soient reniées ses fondements principaux. Ainsi est né un objet qui serait un film d'horreur social s'il ne revêtait la forme d'un des westerns italiens les plus magistraux du genre."
Torrente


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Trois couleurs : Bleu
de Krzysztof Kieslowski (1993)
Juliette Binoche humaine, trop humaine, dans un film froid. Froid comme la couleur bleu, froid comme la solitude, froid comme un hopital, froid comme la perte des lendemains. Krzysztof Kieslowski ne nous surprend pas, et une nouvelle fois signe un film pas exactement funky, qui a l'insigne merite d'etre l'un des rares bons films ou apparait l'exquise Juliette, rythme par une musique puissante et grandiose.

Julie de Courcy (Juliette Binoche, Indice 2) est mariee a un grand compositeur qui prepare une symphonie pour l'Union Europeenne (Indice 1). Le film debute par un accident de voiture : son mari et sa fille perissent, Julie survit (Question, reflet du medecin dans l'oeil de Julie sur son lit d'hopital). Gros choc emotionnel. Elle tente de tout abandoner et de commettre un "suicide social" en se detachant completement du monde. Petit a petit, elle se retrouve ramenee au monde des vivants par les personnes qui surgissent dans sa vie.
Mister Ke


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Orphée
de Jean Cocteau (1950)
La richesse et la force d'un mythe, c'est d'être immortel, interprétable à l'infini.
L'Orphée de Cocteau tente de transposer le conte dans les années 50... drôle de pari!
Et pourtant hormis Jean Marais (indice 2) un peu empêtré dans un jeu trop hiératique, tout y est réussi... c'est que Cocteau transforme largement le cadre du mythe, il s'approprie chaque élément pour lui conférer une nouvelle mythologie plus en relation avec les préoccupations du poète. Le film n'en finit pas de surprendre
et à force de trouvailles en tous genres, on retrouve, étonné, une vision d'enfant qu'on pensait à jamais perdu.
Nasr Eddin


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Nom de code : Shiri (Swiri)
de Je-gyu Kang (1999)
Impossible de parler de Sur la Trace du Serpent, sans parler de Nom de code : Shiri.
2 films, 2 dates, 1 année : 1999.
Ces deux films sont très différents bien sûr, l’un est très expérimental, l’autre presque classique, mais ils témoignent tous deux de la vitalité d’un cinéma résolument moderne, à la recherche d’une efficacité graphique et narrative constante.
Cette nouvelle vague-là a de la gueule. Et comme l’autre (beaucoup plus célèbre et respectable), elle impose d’emblée des acteurs incontournables à la face du monde.
En effet, dans Nom de code : Shiri, on découvrît 2 des plus grands acteurs de ce début de siècle : Min-sik Choi (Taegukgi, Lady Vengeance, Old Boy), et Kang-ho Song (Sympathy for Mr Vengeance, The host)!!!
Nom de code : Shiri, c’est un peu le rêve de Michael Bay et Luc Besson réunis.
Le blockbuster parfait. L’équilibre idéal entre action et sentiments.
Le principe est simple : Qu’arriverait-il si une bande de terroristes nord-coréens kamikazes décidait de raviver le conflit qui oppose le Nord au Sud ?
Et que, pour se faire, une «louve» (sorte de Nikita asiatique) se retrouvait dans la «bergerie» (l’unité de lutte anti-terroriste de Séoul)?
Pour la démasquer, 2 flics, 2 amis, 2 méthodes sensiblement différentes. L’un est un idéaliste, doux rêveur, l’autre serait plus proche d’un doberman solitaire.
Conscient de tenir là le buddy-movie parfait, le réalisateur nous propose un tour de grand huit frappadingue et fait de son film un bonheur de tous les instants, un mètre-étalon du nouveau cinéma d’action coréen.
Et, dans son vibrant hommage aux maîtres de l’action américains, il va même jusqu’à singer les envolées synthétiques de Hans Zimmer. Son système fonctionne à la perfection, et comme il a tout compris au genre, il ose tous les excès, comme John Woo avant lui :
Musique gorgée de trémolos, explosions plein cadre, impacts de balles en gros plan, émotions exacerbées, citations directes (en vrac : Kitano, Scoot, Woo, Donner…), punch-lines à la Shane Black…
Bref on assiste à un cinéma décomplexé, brutal, métissé et ample.
Shiri a de la classe, jusque dans son climax et la magnifique scène finale qui s’ensuit. Vous verserez peut-être une larme, comme moi… vous serez, en tout cas, ravi d’avoir assisté à un tel spectacle plus grand que nature.
C’est évident, Ridley Scott a un héritier, et il s’appelle Je-gyu Kang !
DVD Zone 2 sorti un peu partout en Europe. Evidemment, l’édition double disque française sortie chez Asian Star par l’ami Dionnet les écrase toutes.
On y découvre, notamment une scène alternative qui comble une ellipse malheureuse dans le métrage sorti en salles, sûrement coupée pour cause de violence trop explicite.
Bonus assez complets donc, reprenant, en gros, les suppléments de l’édition originale. Le tout pour 12,99 euros seulement, depuis le 15 Février.
Torrente


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Friday night lights
de Peter Berg (2004)
Petit acteur américain, semi-beau gosse, et tête à claques, Peter Berg traîna ses guêtres un long moment dans le no man’s land des B-lists de producteurs peu inspirés. Seules quelques perles, parmi ce que le cinéma indépendant a pondu de mieux à la fin des années 90, ressortent de sa filmographie érratique : le vénéneux Last Seduction et le formidable Copland (que j’aurais bien proposé si les Maurice ne m’avaient devancé).
Puis le vent de la révolte sonna, et Peter Berg, bien inspiré, se dît qu’après tout, si personne ne lui proposait de films dignes de ce nom, il n’avait qu’à les réaliser lui-même ! Il se mua donc en réalisateur.
Et c’est, tout naturellement, qu’il prît les traits d’un réalisateur «indé-trop-cool», forcément mal rasé. De ceux qui sortent leur film au festival «super branchouille» de Sundance, comme Tarantino ou P.T. Anderson, avant lui. Le type même du réalisateur «à suivre».
Very Bad Things marque donc ses débuts dans la cour des grands.
Rentre-dedans, osé, mais aussi ampoulé et sur-dialogué (jusqu’au mal de tête), il s’agit pourtant d’une très honnête entrée en matière.
Puis, plus rien… jusqu’à Bienvenue dans la Jungle pour lequel Peter Berg se transforma en habile faiseur de «véhicule à stars mégalos» (ici, pour The Rock)
Qu’avait-il bien pu se passer ? Pourquoi un tel revirement ?
Pas grand chose à comprendre. Juste que Peter Berg est un touche-à-tout, pas prise de tête. Gros films d'action de commande, films de «troupe» tourné en huis-clos, Peter Berg prend tout ce qu'on lui donne et le façonne à son image de rocker déglingué.
Et, un an plus tard, nouveau revirement... nouveau grand écart...
Arrive le bien nommé Friday Night Lights, tiré d'une histoire vraie, volontairement ignoré par les distributeurs français, qui étaient sûrs que le film n’intéresserait pas le public gaulois. Il est vrai que peu de «froggies» se passionne pour le foot américain (et qui plus est, pour le foot universitaire), car c’est bien de cela qu’il s’agit, les « grands soirs et petits matins » d’une équipe moyenne, à qui tout aurait dû/pu sourire.
Et, en effet, en choisissant de porter à l’écran la défaite d’une équipe de foot américain, Peter Berg n’a pas choisi la facilité.
La force du film ? Une absence notoire de stars (hormis l’entraîneur, sobrement campé par Billy Bob Thornton) pour un rendu extrêmement réaliste.
Peut-être pas aussi beau et déséspéré que Pour l’Amour du Jeu de Sam Raimi, avec le grand Kevin Costner, Friday Night Lights reste une expérience sensorielle et physique mémorable qu’il est dommage de découvrir sur petit écran. Rarement la fusion entre images et bande-son aura été si parfaite. Le score somptueux du groupe instrumental texan Explosions in the Sky y est, bien entendu, pour beaucoup. Mais pas seulement, puisque le directeur de la photographie, Tobias Schliessler, s’est surpassé. Les cadres, les images et la mise en scène sportive frôlent la perfection.
Réussissant là où Oliver Stone avait échoué en préférant le strass et les paillettes (cf L’Enfer du Dimanche), Peter Berg accouche d’un film sportif définitif, tantôt brutal, tantôt léger, bourré jusqu’à la gueule d’émotions contradictoires, de frustrations rentrées et de rage, et, dans le même temps, d’un film musical triste et désabusé sur l’Amérique moyenne des années Reagan.
Le DVD Zone 2, disponible pour la modique somme de 9,99 euros, est bardé de suppléments qui en font un DVD indispensable : scènes coupées, making-of, et documentaire sur l’épopée de la véritable équipe qui frôla la victoire en 88.
Torrente


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Night watch (Nochnoy Dozor)
de Timur Bekmambetov (2004)
Qui a dit que seuls les Américains savaient faire des blockbusters ? Avec ce premier volet d’une trilogie fantastique, Timur Bekmambetov fait montre d’une maîtrise parfaite du cadre, des images et des effets spéciaux. Le décor est planté et on rentre directement dans le cœur de cette histoire prophétique où chacun va devoir choisir son camp. Entraîné dans un univers sombre où le bien et le mal tentent de maintenir un équilibre si fragile, le spectateur n’a pas une seconde de répit. Selon Tarantino, "Just after we've lived through Lord of the Rings and we can't even imagine another movie spellbinding us... Night Watch is an epic vision of extraordinary power." Danny Boyle a quant à lui déclaré : "Night Watch is on its way and the bar has been truly raised". Le réalisateur russe a donc été adoubé par ses paires et on attend la suite avec une impatience redoublée par le retard de la sortie du deuxième opus (la BA nous laisse saliver d’avance !)
Zézette


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Le monde d'Apu (Apur sansar)
de Satyajit Ray (1959)
"Le monde d'Apu", c'est une histoire touchante au possible... le destin d'un jeune homme ambitieux qui ne maîtrise rien... qui est balancé au gré des évènements sur cette chose improbable qu'on appelle la vie!
C'est aussi un film profond qui, une fois terminé, nous laisse face à de multiples interrogations sur la vie : "Qu'est-ce que mes ambitions par rapport aux autres? Que vaut ma volonté, que valent mes actes? Qu'est-ce que je choisis en définitive? Qui suis-je et qui sont ces êtres qu'on appelle mon fils, ma femme?...
Ca se passe en Inde et ça pourrait se passer partout... un grand film.
Nasr Eddin


20



Frankenweenie
de Tim Burton (1984)
Dernier film (je dis bien film et pas animation) de Burton qui restait à être proposé à frcd et le premier officiel de sa carrière, Frankenweenie réunit tous les éléments propres à l’univers burtonien que je vénère. De l’horreur (Q1), du gothique romantique (I1), la magie de l’enfance (I2) et des décors superbes, telle est la Burton’s touch encore aujourd’hui inégalée.
Zézette


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*** "Je crois en Dieu et en Beethoven" Richard Wagner
Un grand amour de Beethoven
de Abel Gance (1936)
Gance est le mauvais génie du cinéma, alchimiste maladroit capable des plus grandes envolées artistiques comme des pires fautes de goût.
Ce Beethoven ne déroge pas à la règle, après un début poussif, lourdeau même, l'intérêt et l'intensité progressent jusqu'au final qui constitue, au fur et à mesure des revoyures, ma fin de film préféré toute catégorie confondue.
Beethoven est ici dépouillé de cette aura mythique qu'on lui prête aujourd'hui, c'est un génie certes, mais c'est surtout un homme, à la fois simple et original qui a pour lui un tempérament, une volonté et une sensibilité énorme (il est de la race des Cyrano, des Brel, des Gance et autres poètes)
Et ces trois colosses : l'homme, l'âme exceptionnelle et le génie vont se débattre dans la toile de la destinée.
La musique de Beethoven permet dans le film de lier le tout, d'exprimer presque tactilement les états d'âmes. Comment retenir ses larmes quand sonne le leitmotiv des 5 coups du destin? Véritable instrument de torture qu'on enfoncerait un peu plus à chaque fois dans la chair du génie.
Ce mariage entre personnage exceptionnel et accablement a rarement été aussi bien réussi et a rarement eu autant de souffle, voilà ce qui en fait à mon sens le plus grand mélodrame du cinéma.

Pour aller plus loin :

Historiquement, le film fait sans aucun doute des raccourcis et des omissions mais ne trahit jamais le bonhomme... tout au plus peut on dire que Gance a souligné le trait de l'artiste maudit incompris qu'il devait lui même ressentir, car ne l'oublions pas, Beethoven n'est en somme que l'ombre portée du réalisateur en plein doute artistique.
Nasr Eddin


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* Format d'origine 1.85:1
** Image tirée de la bande-annonce
Monster man
de Michael Davis (2003)
Imaginez un instant ce qui se passerait si un réalisateur inconscient venait à mixer le cinéma de Tobe Hooper, qu’on sait empreint d’une bonne dose d’humour noir, avec celui de John Hughes, le pape des «teen-comedies» américaines des années 80 (La Folle Journée de Ferris Bueller, Breakfast Club, Weird Science, etc).
Et bien sachez que quelqu’un l’a fait. Ca s’appelle Monster Man et c’est très con (donc trop bon).
Mais qui est-il ?
Il s’appelle Michael Davis et on lui doit, entre autres, une comédie, justement : 100 Girls (quel titre !)
Comment ce type s’est retrouvé au commande d’un tel survival ?
Juste parce que son producteur et son agent lui ont gentiment demandé…
- «Dis, tu voudrais pas nous faire un film d’horreur comique, qui s’appellerait «Monster quelque chose» et où 2 crétins à la Beavis et Butthead passeraient leur temps à parlé de cul ? On est sûrs que ça marcherait.
- Oui, pourquoi pas… justement, j’avais envie de filmer des monster trucks ! C’est ma deuxième passion ! Bin tiens, pourquoi ça s’appellerait pas «Monster Man» ? Je vous prépare un story-board pour la semaine prochaine.
- Super… mais surtout, te casse pas, on l’utilisera pour faire une bande-annonce ! Ca coûtera moins cher !»
Et voilà comment est né ce projet débile, gore, fun et sexy… Une Virée en Enfer qui aurait rencontré Détour Mortel et Mallrats, du grand n’importe quoi donc, prétexte aux pires dérives sanguinolentes dignes d’un Herschell Gordon Lewis sous acide.
Tout est bon pour exciter l’ado acnéique, le «geek» obsédé, ou l’otaku dégénéré, et ça marche, le public visé en redemande. Les autres seront, au pire, choqués, au mieux, émus devant une telle naïveté et du gore aussi décomplexé et branque.
Apparemment, la recette a donné des idées à d’autres crétins comme Eli Roth, puisqu’est arrivé, sur les étales des boutiques de DVD, le remake de 2000 Maniacs qu’il produit, et qui est tout aussi débile.
Ils sont fous… mais que c’est bon !
Le DVD zone 2, même s’il ne permet pas de voir le film dans ce qu'on imagine être son format d’origine (mais sans les caches, avec plus d’information en haut et en bas de l’image), est très recommandable puisqu’il propose, en plus d’un long making-of sans langue de bois, la formidable bande-annonce dessinée et animée par le réalisateur d’après ses story-boards ; le tout pour un petit prix (9,99 euros).
Torrente


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Nos enfants chéris
de Benoît Cohen (2003)
Mathieu Demy il est trop beau d'abord !!!! Vivement la série (http://akas.imdb.com/title/tt0857347/) !
Zézette