aucun organisateur en ligne
7

Moderns on the storm

La semaine est terminée



1



Angel heart (Angel heart)
de Alan Parker (1987)
Angel Heart c’est un coup de cœur spécial. Je vous avais déjà fait part de mon goût pour les comédies anglaises et pour les films chorales, voici deux nouveaux genres : Le film de détective (qu’on retrouvait déjà dans Kiss kiss bang bang, il est vrai) et le fantastique !
Les histoires de détective au long imper et au chapeau feutré, au vocabulaire aussi peu soigné que la barbe de trois jours, et à la démarche traînante m'ont toujours attirées, (Nestor Burma, Blacksad, j’en passe et des meilleurs !).
Ici, Mickey Rourke remplit parfaitement son rôle de vieux loup solitaire et Robert De Niro a vraiment la classe !
Concernant le fantastique, c'est surtout le vaudou, son côté magique et étrange dans le film, qui m'a captivé. Il faut dire que j'ai toujours été fasciné par tout ce qui touche à cette pratique... son côté un peu gloomy dark (même si le vaudou, ce n’est pas ça, au départ, c’est une croyance comme une autre, interdite, diabolisée - Oops ! Un petit relent de campagne électorale, beurk - et que hollywood a déformée et travestie). Et quel meilleur endroit que la Louisiane pour planter le décor ! Il ne s’agit pas de la mystique New Orleans mais d’une autre ville tout aussi charmante. Et dans la moiteur et la poussière du Sud des Etats-Unis, notre détective aux manières peu scrupuleuses, va être confronté à la magie et au Mal à l’état pur, menant son enquête au milieu de cadavres de plus en plus nombreux !
Ce film est un petit bijou pour les amateurs de film noir au suspens grandissant !
Zézette


2



Opera (Opera)
de Dario Argento (1987)
Visuellement le film le plus abouti du maestro, et scénaristiquement l’un des plus faibles, Opéra est un véritable film-prétexte... à toutes les prouesses visuelles et techniques. Avec ce film proprement opératique (je pouvais pas ne pas la faire !), Argento réalise un pur moment de cinéma, précieux et indémodable, un vrai classique, un condensé de son style et de son œuvre, son Vertigo à lui.
Plus rien ne sera jamais pareil par la suite. Quand on tutoie les étoiles, difficile de ne pas s’auto-detruire.
Opéra c’est le point de rupture de la filmo du maître, le point de non-retour.
Il enterre, en tous cas, des types comme DePalma (qui lui a tout piqué), mais aussi tous ses films précédents et ce n’était que justice que ce chef-d’œuvre entre au panthéon Frcdesque. Je suis ravi d’en être l’instigateur.
L’édition Zone 2 anglaise est de très bonne facture puisqu ‘elle propose la version la plus complète du film (le maestro s’étant beaucoup frotté avec la censure tout au long de sa carrière). Le scope est superbe de définition et de piqué.
Torrente


3

 *


* Format original non respecté. Format ImdB : 1.85:1
Fedora (Fedora)
de Billy Wilder (1978)
Cette semaine, avec Baby Jane, après Patrick Bauchau, découvrez des héroïnes de cinéma et leur film éponyme. Commençons donc par Fedora, nous irons voir ensuite Thérèse et cette jeune fille sans nom, Cybèle.

Fedora, finalement, est aussi une héroïne sans nom. Je n'en dirais pas grand chose du point de vue purement scénaristique pour ne pas déflorer le coeur de l'intrigue : mieux vaut la découvrir le moment venu pour percevoir l'horreur du film.
Car "Fedora" est un cauchemar. Un cauchemar éveillé de ceux qui ne vous permettent pas de vous endormir, et dont on ne peut sortir. Peu de films m'ont fait un tel effet... et dites-vous bien que pour troubler le sommeil de Baby Jane, il faut se lever de bonne heure!!!
Billy Wilder signe là un drame psychologique (pour une fois, ce terme recouvre VRAIMENT quelque chose) qui va loin, trop loin. Peut-être d'ailleurs lui échappe-t-il. Et peut-être encore est-ce en cela que ce film est marquant, plus qu'aucun autre film du réalisateur.

C'est une actrice de cinéma fantomatique dont on ne peut jamais cerner le visage et dont, par conséquent, on ne peut jamais savoir si elle est folle et si elle dit vrai dans ses délires de persécution.
Au début, on apprend la mort de Fedora (Indice 2). On remonte ensuite le temps et on mène l'enquête avec William Holden qui découvre un énorme pot aux roses : la question et l'indice marquent chacun une étape de plus pour monter vers l'horreur.
On est dans le registre des "Sunset Boulevard" et des "What ever happened to Baby Jane?" et même des "Mulholland Drive", trashes sur le monde du cinéma, de la gloire, de la gloire au cinéma, et de la face qu'il faut garder, de l'apparence qui compte au delà de tout.
Baby Jane


4



The Suspect (Jidu Zhongfan)
de Ringo Lam (1998)
Cette fois, je laisse parler Stéphane Lacombe depuis le dernier numéro du fabuleux HK magazine d'Avril 2000 mais je préciserai juste que The suspect a été tourné aux Phillipines par le plus grand des réalisateurs de l'archipel hong-kongaise (rien de moins) et que l'action de ce thriller politique se déroule dans un pays imaginaire (I1):
"(...) City on fire se présentait comme une tragédie nouée autour d'une amitié trahie. Cette thématique est réactivée dans The Suspect, doublée cette fois d'un arrière-plan socio-politique qui lui confère un degré supplémentaire de maturité.
Aux antipodes du manichéisme d'un John Woo, les personnages de Ringo Lam ont tous de bonnes raisons d'agir comme ils le font. (...)
De film en film, le projet esthétique de Ringo Lam se transforme tel un caméléon. Full alert insistait sur les ambiances glauques et les filtres colorés, tandis que The Suspect privilégie une approche quasi-documentaire qui confine paradoxalement à l'abstraction. Le réseau urbain est restitué par une caméra lointaine (...), parfois maladroite, un peu à la manière des thrillers européens des années 70. L'arrière-plan politique (le complot, l'utilisation des lieux) évoque I comme Icare de Verneuil, tandis que la violence immédiate et volontairement non-cinématographique, rappelle les polars italiens mis rapidement en boîte durant les années de plomb, imprégnés du même sentiment d'urgence. (...)
The Suspect rompt donc avec toute tentative d'esthétisation et, par sa rigueur et sa dureté, se rapproche de l'école de la télévision américaine d'où est issu William Friedkin, le modèle jamais démenti de Ringo Lam. (...)
Visiblement tourné dans l'urgence, The Suspect mixe comme il peut cette somme d'influence hétéroclites. Mais c'est précisément dans ses maladresses de cross-over improbable qu'il se révèle attachant."
DVD passable, uniquement disponible en Zone All à Hong Kong.
Torrente


5



Thérèse (Thérèse)
de Alain Cavalier (1986)
Thérèse, c'est l'histoire de Sainte-Thérèse de Lisieux, mais pas que.
Parmi les films essayant de traiter de l'univers du couvent, "Thérèse" a cette particularité de chercher à mettre l'accent sur un des moteurs de cet univers : entrer dans les ordres pour une femme, c'est épouser Jésus, être sa femme, l'aimer comme on aime un homme ("On est tombées sur la tête! On en pince pour un type qui est mort il y a 2000 ans! On est même pas sures qu'il existe! Tout ça c'est de l'imagination").
Sous ce jour, on comprend mieux la vocation de certaines soeurs
et Thérèse bien sûr est la plus sincèrement amoureuse de toutes, la plus assidue.
Alors, malgré la dureté de certaines scènes, le film s'en trouve baigné d'une atmosphère douce et paisible, joviale, et parfois enfantine. Elles aiment cet homme comme on aime le prince charmant.
A ce petit jeu-là la jeune Catherine Mouchet (Indice 2) excelle, ses yeux brillants et pétillants témoignent encore de sa vitalité d'enfant tandis que la retraite et la maladie, la foi aussi, nous donnent à voir la gravité de l'adulte.
Etonnante oeuvre que cette "Thérèse", magnifiquement filmée et plongée dans une ambiance toute particulière, notamment grâce à la façon dont le son est traité, épuré, chuchoté, comme pour mieux nous faire savourer la préciosité de chacune de nos paroles.
Baby Jane


6



Les dimanches de la Ville d'Avray (Les dimanches de la Ville d'Avray)
de Serge Bourguignon (1962)
Un homme perd son identité.
Une petite fille oublie la sienne.
Tous deux commencent une nouvelle vie. Ils la commencent ensemble.
Lui (Hardy Kruger, Indice 1) perd la mémoire dans un accident d'avion. On l'a appelé Pierre.
Elle, est abandonnée par son père et laissée dans une pension pour Jeunes Filles. On l'appelle Françoise, mais ce n'est pas son vrai nom. Son vrai nom, elle le cache.
Ensemble, il vont réapprendre à être eux-mêmes et se reconstruire une identité.

Comme personne ne vient plus chercher Françoise le week end, quand d'autres enfants repartent avec leurs parents, Pierre se fait passer pour quelqu'un de la famille. Il passe ses dimanches à Ville d'Avray avec Françoise.
Très vite, on jase sur ces deux êtres qui sont ensemble dans un monde à part.
Très vite, ils partent ensemble dans ce monde fait de naïveté et de rêves d'avenir en ayant de plus en plus de mal à en revenir. La réalité les rattrapera.

Ce film OVNI (qui est donc ce Serge Bourguignon qui réalise là un film en dehors de tout, un film oublié en France, qui vit sa vie aux Etats-Unis?) est touchant, en ce qu'il joue sans cesse avec les limites : celles qui séparent la naïveté de la mièvrerie, l'ambigüité du malsain, le désir d'une autre vie de la vie elle-même.
Bercé par la voix de Françoise (Patricia Gozzi, Question), c'est aussi de la poésie de l'enfance dont parle "Les dimanches de la Ville d'Avray", et de la fascination de certains adultes pour cette innocence dans laquelle tous les rêves sont permis.
C'est aussi un film sur le regard des autres, qui jugent ce qu'ils ne comprennent pas, qui rejettent leur passé quand d'autres cherchent à le retrouver!
Baby Jane


7



Good Bye Lenin!
de Wolfgang Becker (2003)
Un grand moment d'Ostalgie ("Ost" = Allemagne de l'Est + "nostalgie). Cette nostalgie est un peu la mienne aussi. Le mur de Berlin est tombe en 1989. 18 ans déjà !!! Je me souviens, arpentant les rues de Berlin Est peu après la chute, presque toutes sombres la nuit : politesse et patience des gens, étudiants parlant de l'ennui infini désormais révolu des meetings de la FDJ (Freie Deutsche Jugend), bars improvises avec quelques parpaings et des fauteuils de bus dans des maisons abandonnées, les Trabant si petites et pourtant si difficiles a obtenir, l'ambiance artificielle mais alors attachante de l'Alexanderplatz, et quelques mois plus tard deja les blessures d'une réunification menée au pas de course, les "Ossi" (allemands de l'Est) ringardises, leurs études marxistes qui ne valaient plus un sou, et la découverte parfois douloureuse, parfois opportuniste, des classes sociales. Bref tout un monde avec ses moeurs, ses certitudes, sa culture, ses joies et ses peines qui s'est évaporé en quelques mois.

Pas étonnant donc de voir apparaitre ce mouvement d'Ostalgie ou les souvenirs de jeunesse deviennent idéalisés dans une société qui n'offre plus beaucoup de rêve. Et "Good bye Lenin!" nous offre exactement cela : un moment de complaisance envers ces souvenirs, une histoire drôle et touchante qui se déroule durant les mois qui ont suivi la chute de Mur. Amour filial, amour de la patrie, amour tout court dans un monde qui évolue, et ou les tentatives de retenir le passé sont nécessairement futiles.
Mister Ke


8



La belle et la bête (La belle et la bête)
de Jean Cocteau (1946)
La belle et la bête est un agréable souvenir d'enfance.
Je me souviens avoir été touchée par cette belle histoire de rose volée et d'Amour au delà des apparences (enfin, la bête finit quand même par prendre les traits de Jean Marais... comme prince charmant, y a pire !), bref, un vrai conte de fée comme je les aime (et un nouveau genre dans la boîte à préférence de Zézette, un !)... C'est pas pour rien que j'affectionne tout particulièrement le grand Tim Burton (Olala, vous allez finir par tout savoir de moi, ça va pas du tout !).
Je me dois également d'évoquer l'esthétique du film que j'apprécie énormément. Joliment travaillée, avec pleins de flous artistiques lors des gros plans (surtout quand les personnages principaux déclament leurs tirades les plus romantiques), elle confère un côté kitschissimement charmant aux films de l'époque et à La belle & la bête, en particulier.
Il y a aussi une bonne dose d'humour dans cette histoire, notamment le dialogue que je vous ai proposé dans la question 1.
Humour + Esthétique + Romantisme + Fantastique = le Quarté dans l'ordre, pour expliquer mon choix.
Zézette


9

 *


* Affiche ne provenant pas du pays d'origine du film
Le mouton enragé
de Michel Deville (1974)
L'affiche mise en question est l'occasion de faire la promotion d'une école artistique (à Lodz, en Pologne) qui, entre autres activités, s'évertue à refaire, à recréer de manière originale des affiches de films. C'est souvent pertinent et toujours plus intéressant que nos traditionnelles affiches. C'est en tout cas un réel plaisir d'aller voir ce qu'ils peuvent faire avec les oeuvres que l'on adore. http://www.polishposter.com/
Mais le film de Deville n'est pas un faire valoir, c'est pour moi un film qui, sous des airs de ne pas y toucher, cache un film magistral, merveilleusement mis en scène par ce chef d'orchestre de Deville.
Le casting déjà est énorme : Trintignant, Romy Schneider, Jean Pierre Cassel, Jean François Balmer, Birkin et puis Camille Saint-Saens en premier violon...
Le scénario ensuite fonctionne comme un "Bel-ami" joué à deux mains :
Cassel, écrivain, coache Trintignant pour lui faire grimper les échelons de la richesse et du pouvoir.
Cette union cerveau/corps, hybride de l'homme parfait, va inexorablement hisser Trintignant au dessus de toute morale et de toute convention vers la réussite (c'est pas un biopic sur Sarko, je vous rassure).
Placé d'abord dans le ton de la comédie et du marivaudage, le film s'achemine peu à peu vers un drame des consciences...
Drame qui puise sa force dans la profondeur donné à chaque personnage. Que ce soit, Trintignant, Cassel ou Romy Schneider, il n'y a pas de faire valoir, tous sont là avec leur humanité, plus ou moins visible ou plutôt, plus ou moins cachée.
Qu'est alors le vrai sujet? La double manipulation? La vie par procuration? C'est tout cela à la fois et bien plus...bien plus!

[Ma version dvd est américaine (c'est une piètre édition, mais ça reste la seule existante à ce jour)]
Nasr Eddin


10

 *


* La vidéo étant assez lourde, enregistrez la cible du lien sous...
Artavazd Peleshian
Réalisateur quasi inconnu en France (on trouve quand même un très bon site internet qui lui est dédié : http://www.artavazd-pelechian.net) , Pelechian est le vrai successeur de Vertov ("L'homme à la caméra"). Il jongle avec les matériaux documentaires (il filme très peu lui-même) pour raconter des histoires, des poèmes épiques et symphoniques.
Sa démarche innovante est pourtant simple : en appliquant un travail d'orfèvre sur le montage (son + image), il décuple le sens et la force sensible pour évoquer un thème, un discours, une philosophie.
Mettre "Pelechian" en personne c'est rendre un grand hommage à un homme et à une démarche plus qu'à une seule oeuvre... c'est alors l'occasion d'évoquer brièvement 3 de ses chefs d'oeuvres :

"Au début" (question)
Pelechian retrace les grands conflits du 20ème siècle, leur succession, la montée des armes... la réaction des peuples... tantôt dans la fuite, tantôt dans l'attaque. On revoit en dix minutes tout un siècle bouillonnant et terrifiant.
Estampillé CHEF D'OEUVRE

"Les habitants" (indice 1 et évoqué dans l'indice 2)
A première vue, ça ressemble à un documentaire pour la protection des animaux, en y prêtant attention, c'est, comme l'a dit Georges Sadoul (indice 2), une allégorie de l'humanité. C'est le premier film que j'ai vu de cet auteur, et il m'a complètement retourné et enthousiasmé. Incontournable.
Estampillé CHEF D'OEUVRE

"Notre siècle"
A partir des premiers pas dans l'aviation jusqu'aux envois d'astronautes dans l'espace, Pelechian chante le génie humain, chante la nature et chante enfin, la folie de l'homme... capable de détruire et de se détruire pour ses rêves.
Estampillé CHEF D'OEUVRE

On pourrait parler encore longuement de son travail, d'autres de ses productions : (Les 4 saisons, Vie, Fin) mais venons-en à l'essentiel : Pelechian est un artiste énorme et hors norme qui en quelques films, a redonné ses lettres de noblesse au cinéma et au génie humain, tout simplement.

[NB : un dvd existe au Portugal, qui offre quasiment l'intégrale du réalisateur.]
Nasr Eddin


11



La Bataille de Kerjenets (Secha pri Kerzhentse)
de Youri Norstein & Ivan Ivanov-Vano (1971)
Au risque de me répéter, voilà encore un génie de l'animation (je parle de Norstein, je ne connais pas encore le co-réalisateur). Voir un Norstein c'est l'assurance de voir à chaque fois une oeuvre différente, travaillée avec minutie et perfectionnisme (ce qui n'est pas forcément facteur de fertilité : Norstein travaille depuis 1981 à une adaptation "du manteau" de Gogol).
Parmi ses oeuvres, "La bataille de Kerjenets" est celle qui me parle le plus... par sa virtuosité d'abord : grande science du montage, charivari de couleurs, superbe musique... et puis par son thème épique (on ne se refait pas)...
Et même si la barrière culturelle pose problème (c'est quoi Kerjenets exactement?), on ne reste pas à la porte : les images parlent d'elles-mêmes.
Au delà d'une énième démonstration de la violence de la guerre, c'est le discours sur la religion qui me semble fondamental. Via le procédé des personnages-vitrail, Norstein dénonce une instrumentalisation de la religion. Les hommes font la guerre par et pour la religion, ils sont fanatisés, vitrifiés ici. Et si les hommes meurent, la religion reste. D'abord pour réconforter les familles, ensuite et sans doute, pour préparer ses guerres à venir.
Voilà donc un petit film à portée universelle. On constate encore aujourd'hui que "la bataille de Kerjenets" n'en finira pas d'avoir lieu, malheureusement.
Nasr Eddin


12



La fin du monde
de Abel Gance (1931)
Encore un Gance et encore un film bancal, bossu... les pieds dans la fange, la tête dans les étoiles...
D'un coté, étant le premier film parlant français, "La fin du monde" dispose presque naturellement d'une piste son catastrophique. A tel point qu'on ne comprend pas toujours ce que disent les acteurs (heureusement, ça s'arrange un peu sur la seconde moitié).
Puis, autre horreur, Gance lui même joue. Enfin, il fait semblant, parce qu'entre le jeu du muet et le jeu du petit théâtre de campagne, il fait beaucoup de mal à son film (ça s'arrange là aussi dans la seconde partie puisque par bonheur il meurt).
Mais à tout prendre, cela n'est pas le principal loin s'en faut :
Ne serait-ce que parce qu'il (Gance) multiplie les audaces : scénaristiquement, il mêle au moins trois histoires de fond : Une histoire d'idéal, un documentaire catastrophe et une histoire de gangster. Techniquement, Gance fait voler en éclat tout ce que l'on peut voir au cinéma et ce en ne respectant aucune règle préconçues. En fait, il tourne, dans l'intention, sans doute, de faire ressentir au mieux toute la tension que peut procurer chaque scène, chaque histoire de manière différente. Les scènes catastrophes, sont les plus incroyables : il va jusqu'à triturer le son et l'image pour donner vie à cet état de panique. Je rappelle que c'est le premier film parlant français!!!
Et puis comme pour la technique, la mise en scène du cinéaste varie d'une histoire à l'autre. On passe ainsi de l'académisme le plus désespérant (histoire des frères) aux scènes les plus modernes, les plus folles (la scène d'orgie puis de rédemption sont simplement anthologiques)
Ensuite, audacieux ou non, les thèmes abordés et leurs traitements me semblent au moins aussi novateurs, ou tout au moins aussi rares au cinéma. Par exemple, en privilégiant l'avant-catastrophe, Gance réalise sans doute l'un des tout meilleurs films catastrophes. De l'incrédulité jusqu'à la peur : Gance analyse et reprend les réactions humaines à la loupe. C'est ensuite parce qu'à l'image de "J'accuse", "La fin du monde" est un film existentialiste et humaniste qui nous réconcilie à chaque fois avec l'Homme. Il évoque encore le pouvoir de la bourse (la crise de 29 est passée par là), et une belle réflexion sur les religions : voir des africains, des inuits, des occidentaux se retourner vers leurs idoles lors de l'approche de la comète est un message de tolérance comme un message de Relativité (Dieu, c'est d'abord une réaction humaine) . On pourrait d'ailleurs penser comme eux que Dieu viendra les sauver. Mais la réalité est toute autre, le poète, même si bien illuminé, est ce Dieu à qui l'on peut prêter foi.
Gance est bien cet illuminé, ce poète, et jamais plus que dans ce film, il ne l'aura démontré.

[Pour info : il n'y a pas de DVD prévu pour ce film et attention s'il en sort un aux States, évitez le, parce que Gance a monté là-bas une version américaine raccourcie de 40 min.]
Nasr Eddin


13



La Smala (La Smala)
de Jean-Loup Hubert (1984)
La smala !
Certains ont du se dire qu’un idiot avait pété une durite pour proposer ce film !
Ben ça ne pouvait être que Zézette ! Alors, pour ma défense, je tiens à dire que c’est un film sur la solidarité, l’amour, la famille, que de bons sentiments quoi ! Bon, j’arrête mes bêtises. J’ai vu ce film tout plein de fois quand j’étais encore qu’une toute petite Zézette et je trouvais ça super drôle et Rock’n Roll ! J’adorais la grand-mère à qui on jetait des M&M’s dans le gosier (I1), Josiane Balasko en rockeuse sur le retour, en peignoir et bonnet de bain et Dominique Lavanant en travesti !
Franchement ne sont-ce point là des atouts majeurs et suffisants pour expliquer sa présence dans les archives de frcd ?
Vous avez dit idiot ?
Zézette


14



Office Space (Office Space)
de Mike Judge (1999)
Comédie vacharde réalisée par un maître du cartoon américain (le responsable de Beavis & Butthead et King of the hill),Office space, bien avant Caméra café (la version cartoon date de 91), nous fait revivre les journées, effroyables d'ennui, d'un cadre trentenaire dans une suburb américaine quelconque. Et on se délecte. On pourrait d'ailleurs le rapprocher d'un film comme Extension du domaine de la lutte mais en plus drôle.
Reprenant les principes scénaristiques, érigés en profession de foi, de ses cartoons cyniques, Mike Judge magnifie son sujet et saisit au plus près la noirceur de l'âme humaine.
Mais à la différence de certains autres cinéastes (je pense notamment à Todd Solondz), il n'est jamais méprisant, moqueur ou haineux vis à vis de ses personnages, et il obtient même de ses caricatures, campés par des acteurs tous fabuleux, tout le contraire de la moquerie ou de la compassion mais plutôt de l'émotion et des éclats de rire salvateur.
Ne rit-on pas, d'ailleurs, pour éviter de pleurer ?
En tout cas, Mike Judge gagne son pari haut la main et, en plus de s'affranchir du cahier des charges inhérent à une comédie américaine classique, avec rebondissements, love story et bad guys, le bonhomme nous livre une des comédies les plus pures (comprendre sans gag débile, sans pet, ni extra-terrestre), les plus justes et les plus essentielles depuis Clerks et Box of moonlight, doublée d'un portrait de l'Amérique qui ferait pâlir plus d'un documentariste.
Le DVD Zone 2 est une honte : zéro bonus !
Alors que le Zone 1 en était gorgé jusqu'à la gueule.
Reste le film, petit trésor à lui tout seul et puis, le DVD n'est pas trop cher, alors...
Torrente


15



Chungking express (Chung hing sam lam)
de Kar Wai Wong (1994)
La quintescence de Hong Kong capturee a la volee. Un film que Quentin Tarantino adore a tel point que, d'apres la legende, il a decide d'en faire la promotion car il considere que la sortie concommitante de "Pulp Fiction" (au moins aux USA) lui a fait de l'ombre. Quoi qu'il en soit, il s'agit du premier film de l'ephemere maison de distribution "Rolling Thunder Pictures", dirigee par Tarantino, et il en fait lui-meme l'apologie sur le DVD. C'est un film addictif : laissez vous hypnotiser par la Garbo-esque Brigitte Lin arpentant avec son imper les inénarrables corridors des Chungking Mansions et le hall de depart de l'ancien aeroport de Kai Tak (Lin en Indice 1, lunettes noires, perruque blonde, gun n' coke, aux cotes de Takeshi Kaneshiro), laissez vous charmer par l'elfique Faye Wong (Indice 2), laissez vous envouter par le "California dreamin'" joue en boucle et la version mandarin de "Dreams" (Cranberries) interpretee par Faye herself. Et voila vous etes tombes dedans. Il ne vous reste alors plus qu'a le regarder en boucle a l'affut des plus infimes details, comme "pourquoi l'hotesse de l'air doit elle s'accroupir pour regarder en dehors du Mid-Levels escalator ?" (Question), ou bien "le bar de l'Indice 1 est le Bottoms Up, geeeeeeeez Mister Scaramanga ! mais c'est le meme que dans "The Man with the Golden Gun"" !!!! ou encore "mais bon sang, l'immeuble de l'appart de Tony Leung (Indice 2) en face de la Central Police Station (vue de sa cuisine) n'a-t-il pas ete detruit ???". De surcroit, cet appart etait habite par Christopher Doyle a l'epoque du tournage !

Tout ca pour un film tourne sur le pouce en 23 jours, par un Wong Kar Wai pas encore atteint d'intellectualite, faisant un break lors du tournage du penible "Ashes of Time", et evidemment accompagne de l'incontournable Christopher Doyle a la camera. Bref, jetez-vous dessus si vous ne l'avez pas encore vu : s'il y a un seul film hongkongais a voir, c'est celui-ci.
Mister Ke